JE TIENS POUR VRAI

Je tiens pour vrai ce voyage du poème
et toutes les errances les routes
où je marche avec lui
car fouler le sol de cette ville entrevue au loin
sur l’horizon et rejointe le soir
est mesure de désir autant que champ réel
pour mes pas aimantés
réels le monde visible et notre imaginaire
–  est-ce l’Iran là-bas ou Alger
ou quelle ville où je n’irai jamais qui gardent
derrière leurs murs le vin et les roses
les joies secrètes
–  est-ce Grenade et la furie gitane
qui donnent à mes vers leur force de rubis
ou toi ma terre tes chemins immobiles
souples comme des lames
tes visages tes vignes où le tourment
étrangement jubile
toi qui façonnes à ton tour ma pensée
dans la cathédrale élancée du silence ?

Sur les escaliers de la nuit je touche
des corps qui passent
et de mes tisons je pose sur chaque pavé
le sceau du hasard incandescent
Au monde secret du poème
je m’exerce au rituel des voleurs de feu
je ris des moissons qui brûlent
les paumes
du galop de petits chevaux bleus
des cadences divines de l’instant

La langue humaine, notre terre commune
usée par le martèlement des pas
sur la vieille poussière
cachant mille pièges sous les futaies
autant de mares asséchées
Il ne sera pas dit que l’ombre éteinte
emportera l’enchantement dans sa manche
mais pour sortir le verbe des ornières
suffira-t-il de tourner la langue
sept fois
dans le piment et dans le miel
de réveiller l’abeille endormie
de se passer de la main à la main
la piqûre de son dard ?