Cryptogrammes
Autant art que technique, le cryptogramme relie celui qui l’émet à celui qui le reçoit par un code graphique connu d’eux seuls, véritable sésame pour déchiffrer un écrit secret. Et c’est bien cet inestimable privilège du partage de l’intimité de la pensée que nous offre Laurence Verrey avec ses cryptogrammes tracés à l’encre des peurs enfouies et des espoirs encore en vie au plus profond de nous.
Bien davantage qu’un recueil et qu’un récit, voilà un ouvrage où bat le cœur des mots, où les subtiles dispersions d’encres sépia, Sienne naturelle et sanguine travaillées au papier de soie, agissent comme un terreau nourricier, un sol fertile dissimulant et révélant tour à tour des bribes de la pensée. Et tout de suite, l’œil se surprend à se prendre au jeu. Il cherche, il quête, il enquête à la poursuite du sens en sollicitant celui de la vue pour débusquer celui de la vie.
Comme un fil d’Ariane cheminant entre les cryptogrammes, le texte qui les relie et les accompagne finit par dessiner lui-même des images métaphoriques colorées par les nuances poétiques : les « ailes du vertige », les « serrures du temps » et un « lit-soleil » invitent le lecteur à s’abandonner à la précieuse et totale liberté d’en interpréter le sens à sa guise. Souvent animé d’un mouvement circulaire, le dessin nous apparaît parfois comme une lettrine majuscule, une initiale prête à faire de nous des initiés.
Chacun y trouvera son compte et nulle contrainte ne pèsera sur sa lecture. D’un seul trait ou au contraire par petites séquences espacées, elle en fera de chacun de nous un promeneur curieux cheminant sur la ligne sinueuse des lisières du réel et de l’imaginaire, des mots et des sensations, de l’esprit et de la lettre. Avec subtilité et parcimonie, Laurence Verrey nous laisse lire ça et là aisément un mot, parfois même un bout de phrase et cela suffit pour nous entrainer dans le gouffre éblouissant de la pensée et dans le déploiement à l’infini de l’horizon de la réflexion.