Une brève transe de cailloux
Une foule de présences traversent ces pages : un arbre millénaire, un songe, un banc de poissons étincelants pour dire l’abondance et la voix du muet. L’été et ses rimes insolites. Une foule de personnages aussi, une gitane à Grenade, un homme au bord du vide, les graveurs de blé, l’éblouie… Et la mort qui s’invite pour croiser le fer avec eux n’est pas toujours celle qui a le dernier mot. Les quatre parties du recueil commencent chacune par un texte en forme de variations sur le thème du Je. Quatre visions distinctes, en quête de cette première personne du singulier qui nous définit. Le Je masqué du début va progressivement s’incarner dans chacune des figures de l’oeuvre, épouser toutes les formes et les visages. Nomade, épris de sagesse, ou lancé dans la fébrilité des grandes villes, il recèle les facettes multiples de l’identité poétique de l’auteur. Quant au titre, qui peut paraître énigmatique, puisqu’il n’est rien de plus immobile que les cailloux, cette brève transe qui les agite est à comprendre comme la fulgurance de la poésie, sa soudaineté clandestine, qui fait lever du vivant au coeur des choses apparemment inertes. Semblable à ce vol de faucon suspendu à mi-ciel, le tressaillement du langage dans ses jeux transparents met en transe la pierre, éveille le regard.