Vous nommerez le jour

«La parole comme le battant d’une cloche/ maintient l’état d’alerte.» Il y a un ton d’urgence et d’ardeur dans le petit livre que publie Laurence Verrey. Urgence, d’abord, de communiquer une expérience bouleversante: car tout commence par un fragment, une bribe de vers en allemand, entendue en rêve (lointaine résurgence, nous est-il suggéré, de lectures de Paul Celan), tel un mystérieux mot de passe: «die urhimmlische Milch, le lait céleste de l’origine». Urgence, dès lors, de traduire la magie, l’étrangeté archaïque et fulgurante de ces trois mots, et leur message énigmatique. Questions et réponses s’enchaînent en une méditation lyrique de belle tenue, tantôt invocation, tantôt affirmation prophétique. «Creuse-nous parole comme la vague/ ou comme morsure!» Un nombre restreint de symboles ou d’images cosmiques, souplement renforcés par la disposition rythmique et sonore, disent la soif, l’angoisse, la joie, la solidarité, la finitude et l’exil, tous ces pans de la condition humaine travaillés par le souffle et la parole. Avec Vous nommerez le jour, Laurence Verrey ajoute une nouvelle strophe à ce grand hymne qu’est son œuvre, célébrant le mystère de la voix humaine.